Champ de recherche

Archéologie de la Blockchain

Description

Il s’agira d’aborder la chaîne de blocs (Blockchain) en tant que médium technique. Notre approche sera média-archéologique. L’archéologie des média peut être définie comme la science de l’émergence et de l’obsolescence des média (c’est-à-dire des appareils d’enregistrement, de stockage et de traitement de données), de leurs effets sur tout discours, sur l’écriture et le langage, la création et l’art, et plus généralement la culture. Pour mesurer ces effets, l’archéologie des média étudie les matérialités et temporalités propres de ces média, aussi bien de manière externe qu’interne (la logique propre d’invention des média eux-mêmes).

Une chaîne de blocs (ou blockchain) est un registre décentralisé de transactions, infalsifiable et ineffaçable. La chaîne de blocs stocke, traite, transmet de l’information d’une manière spécifique (réseau pair-à-pair, cryptographie, horodatage…), qui justifie qu’on l’aborde comme un médium spécifique, qui ne se réduit ni à l’ordinateur, ni à l’Internet. La chaîne de blocs est abordée depuis sa réalité technique, et non seulement depuis ses utilisations ou encore leurs conséquences économiques, juridiques et politiques, qui sont jusqu’alors les angles d’approche les plus adoptés.

La recherche vise à étudier de quelle manière la chaîne de blocs constitue le déploiement des potentialités du médium informatique visant à temporaliser l’espace des transactions humaines. En ce sens, elle participe à une archivisation automatisée du monde qui vient redessiner les conditions de construction du passé et du futur social (par exemple, par les smarts contracts) et par là-même du monde commun. Le programme de recherche contribue à définir les contours d’un design du temps traversant les questions du design visuel, graphique, espace, objet, produit, service etc…

Tout médium d’enregistrement modifie les temporalités humaines : l’écrit, par la spatialisation de la mémoire, a été la condition d’une conception linéaire du temps permettant de se situer dans des repères temporels spatialement figurés, les média techniques d’enregistrement sonore ou visuel d’abord, le numérique ensuite, prescrivent le temps d’appréhension de l’information enregistrée. La Chaîne de blocs est un médium temporel, créé pour archiver les transactions humaines. Ainsi, l’archive numérique de la Chaîne de blocs, non seulement prescrit le temps d’appréhension mais aussi, en même temps, un temps social régi par le passé archivé. Ce faisant, elle redéfinit l’espace commun où la structuration du temps et le processus d’archivage de la réalité (humaine et informatique) ne font qu’un.

Il s’agira de saisir comment le design média-technique de la Chaîne de blocs affecte notre conception du temps. Par l’appréhension des matérialités de la Chaîne de Blocs, le programme (enseignant.e.s et étudiant.e.s) cherchera à explorer par l’art et le design (expérimentation, prototype, installation…) cette nouvelle construction du temps et à dessiner les contours de ce que pourrait être un design du temps à l’ère des réseaux et de la cryptographie informatique.

Axes de recherche

  1. Exploration des matérialités de la Blockchain (P2P, cryptographie) par la sonification et visualisation de son design propre, son architecture et ses temporalités. Faire “parler” et “éditer” la Chaîne de blocs et “représenter” son architecture sera l’un de nos objectifs.
  2. Exploration de sa propre logique d’invention. Faute de savoir par qui elle a été « inventée » (ce qui n’est peut-être pas un hasard), il reste à savoir comment la Blockchain a émergé. Notre hypothèse est que le véritable dessein de la Blockchain se cache dans son propre design et sa propre écriture.
  3. Compte tenu du principe de jetonisation, est-il seulement possible de dessiner une chaîne de bloc qui puisse se déployer de manière égalitaire ? Les blockchains font en effet reposer l’archivage des transactions sur des participants rémunérés par le processus même d’archivage (le jeton récompense leur participation). Cela signifie qu’une blockchain ne repose que sur elle-même et s’auto-archive. Sa robustesse dépend alors de la compétition entre des intérêts individuels. Peut-il en être autrement ? Pour répondre à cette question, nous proposons de créer une cryptomonnaie expérimentale entre écoles d’art.
  4. Alors qu’à l’ère de la reproductibilité technique le monde de l’art pensait en avoir fini avec la notion d’original, la Chaîne de blocs ne fait-elle pas resurgir cette notion que l’on croyait éteinte ? Mais si la Blockchain permet d’affirmer qu’il peut y avoir à nouveau un original à l’oeuvre d’art média-technique et numérique (la Blockchain créé aujourd’hui de la rareté numérique), comment préserver les blockchains ? Il s’agira alors de savoir ce que, à l’ère de la Blockchain, préserver une œuvre numérique veut dire.

Équipe

Enseignant.e.s-chercheur.e.s de l’ECOLAB : Lionel Broye (direction), Florent Deloison, Victor Guégan, Emmanuel Guez, Marie Lechner.

Etudiant.e.s-chercheur.e.s associé.e.s en DSRD
Gaël Goutard, Basile Jesset, Morgane Stricot.

Équipe de recherche : Lionel Broye (artiste, ÉSAD Orléans), Benjamin Cadon (La Labomedia – Orléans), Florent Deloison (artiste, PEA, ÉSAD Orléans), Baruch Gottlieb (Brandenburgische Technische Universität Cottbus), Victor Guégan (historien du graphisme, PEA, ÉSAD Orléans), Emmanuel Guez (artiste, théoricien des média, directeur de l’ÉSAD Orléans), Lucile Haute (artiste, maîtresse de conférences, docteure en arts plastiques, ENSAD Lab et université de Nîmes), Serge Hoffman (artiste, Responsable du Pôle numérique de l’ENSAV La Cambre, Bruxelles), Aude Launay (commissaire d’exposition), Anthony Masure (responsable de la recherche, HEAD-Genève), Vincent Rioux (artiste sonore, Responsable du Pôle numérique des Beaux-Arts de Paris), RYBN (collectif artistique), Morgane Stricot (conservatrice en chef du département d’arts numériques du ZKM Karlsruhe).

Partenaires

Collège international de philosophie
École Nationale Supérieure de la Photographie (Arles)
École Nationale Supérieure des Arts Visuels de La Cambre (Bruxelles, Belgique)
École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris
Haute École d’Art et de Design (Genève, Suisse)
La Labomedia (Orléans)
Université Technique de Cottbus (Allemagne)
ZKM (Karlsruhe, Allemagne)

Site web

Blockchain in Média